Dr Mouhamadou LO, Juriste, expert du droit du numérique – L’utilisation des réseaux sociaux : Risques et conseils d’usages
L’équipe de JurisTIC-CI a rencontré pour vous le Dr Mouhamadou Lo sur le Thème:
L’UTILISATION DES RÉSEAUX SOCIAUX : RISQUES ET CONSEILS D’USAGES POUR LA PROTECTION DES DONNÉES A CARACTÈRES PERSONNELLES.
Découvrons ensemble cette entrevue enrichissante…
JurisTIC-CI: Bonjour Docteur, pouvez-vous vous présenter à nos internautes ?
Dr Mouhamadou LO: Je suis Dr Mouhamadou LO, Juriste, expert du droit du numérique. Ancien Président fondateur de la Commission des Données Personnelles (CDP) du Sénégal. Je suis rédacteur de la loi sénégalaise sur les données à caractère personnel et Chef projet des autres lois sur la cybercriminalité, les transactions électroniques et la cryptologie. Je viens de publier mon premier ouvrage sur « la protection des données à caractère personnel en Afrique : réglementation et régulation ». Il m’arrive également de d’assurer des missions de Consultation juridique en Afrique et sur l’international.
J-CI: Pensez-vous que l’on peut se passer des réseaux sociaux en ce XXIe siècle ? Pourquoi ?
Dr M. Lo: Effectivement, il est possible de ne pas être connecté. L’utilisation des réseaux sociaux est une démarche volontaire et non une contrainte légale, sociale ou culturelle. D’ailleurs, la tendance est le désabonnement et le contraire. Il est possible de vivre heureux en dehors des réseaux sociaux.
J-CI: D’entrée de jeu, nous avons tout de suite envie de vous poser la question suivante : la protection des données personnelles sur les réseaux sociaux apparait-elle selon vous comme un mythe ou une réalité ?
Dr M. Lo: A ce jour, c’est un mythe surtout pour les utilisateurs africains que nous sommes. Je m’explique. Les technologies utilisées font que nous sommes de simples « consommateurs » d’un service produit par d’autres et mis à disposition le plus souvent « gratuitement ». Leur utilisation signifie l’acceptation de l’application d’une législation étrangère. Or, il n’existe aucune convention internationale sur la protection des données à caractère personnel. Ce qui fait que les lois votées dans nos pays n’ont aucune influence juridique sur les réseaux sociaux. Il est donc difficile voire impossible pour un Africain d’obtenir gain de cause face aux responsables d’un réseau social.
J-CI: Peut-on parler de droit de suppression illusoire sur les réseaux sociaux ? En d’autres termes, les données que nous supprimons sur les réseaux sociaux sont-elles réellement effacées ?
Dr M. Lo: Le droit de suppression ou d’oubli est purement théorique. La technologie garde toujours des copies de nos informations. Par exemple, à la fin d’une relation d’affaire, le responsable du traitement a tendance à vouloir conserver les données collectées au-delà de la durée nécessaire. Pour s’assurer de cette suppression, les autorités de protection doivent multiplier les contrôles. Mais, vous conviendrez avec moi que s’il s’agit des réseaux sociaux les chances de réussite sont minimum. Certains législateurs africains, à l’exemple de la Côte d’Ivoire, ont prévu des dispositions consacrant le droit à l’oubli. Toutefois, sa mise en œuvre nécessite une plainte d’un ivoirien contre un réseau social ou un moteur de recherche et la justice condamne l’un ou l’autre.
Voir aussi: L’intelligence artificielle: les enjeux juridiques
J-CI:Pouvez-vous nous donner quelques astuces sur comment utiliser les réseaux sociaux de sorte à limiter l’exposition de ses Données à caractère personnel ?
Dr M. Lo: Il faut simplement faire preuve de bon sens (Ndlr). Ne pas faire ce que vous ne ferez pas dans la rue. Une personne saine d’esprit n’acceptera pas de crier sur la place du marché du quartier son nom, son adresse, ses biens, des informations sur sa famille, son orientation sexuelle, etc. La même attitude est purement et simplement à proscrire sur le numérique. Chaque personne doit être jalouse de ses données personnelles et ne pas les divulguer ou partager avec n’importe qui.
J-CI:Quels sont les risques liés aux données personnelles exposées par les usagers des réseaux sociaux ?
Dr M. Lo: Les risques varient selon la nature des données exposées. L’image, la réputation, l’insécurité de vos systèmes d’information, les menaces sur vos biens, le chantage sexuel ou financier, fausse accusation, etc...
J-CI:Une personne victime de violation de ses données à caractère personnel sur les réseaux sociaux a-t-elle un moyen de recours ? Lequel ?
Dr M. Lo: En cas de violation de ses données à caractère personnel, le réflexe est de se rapprocher de l’ARTCI en charge de leur protection. Une plainte doit être déposée dans les meilleurs délais afin de bénéficier de l’accompagnement juridique et de l’appui d’agents très compétents.
Voir aussi: A qui appartiennent les droits de propriété sur un logiciel crée par un salarié
J-CI: Les réseaux sociaux ont-ils un quelconque impact sur le développement de nos pays africains qui aspirent à l’émergence ?
Dr M. Lo: Effectivement en cas d’utilisation intelligente des réseaux sociaux, il est possible d’en faire un outil de développement. Ce sont des supports d’échanges très pratiques qui peuvent faciliter la communication, un premier pas vers l’émergence. Attention!!! il ne faut pas continuer à utiliser les outils des autres. Il est temps de développer nos propres plateformes car la bataille est le contrôle des données. Avec le Big Data, il faut veiller à ce que les données stratégiques de nos pays soient hébergées dans nos propres data centers. A défaut, il n’y aura pas de développement.
J-CI: Pensez-vous que la règlementation actuelle dans nos pays africains garantie-t-elle une protection efficace ?
Dr M. Lo: Nos lois sont les mêmes que celles des autres nations. Elles prévoient les mêmes principes de protection. Le débat se trouve sur l’effectivité de leur application et de l’indépendance de l’Autorité compétente. Il faut oser les appliquer à tous les responsables de traitement dès lors qu’il y a manquement à la loi.
J-CI: A titre d’information pour nos internautes, vous êtes l’auteur du livre « La protection des données à caractère personnel en Afrique : règlementation et régulation »
Dr M. Lo: Oui, je suis l’auteur.
J-CI:Pouvez-vous nous donner un bref aperçu de ce dont il est question dans cet ouvrage ?
Dr M. Lo: Cet ouvrage s’adresse à la fois aux pouvoirs publics, aux juristes, aux professionnels des secteurs public et privé désireux de vérifier leur niveau de conformité à la réglementation ainsi qu’aux citoyens soucieux de la protection de leurs données personnelles.
Outre les sources du droit (lois, décrets, jurisprudence) applicables dans les pays pionniers sur le Continent, le livre illustre la manière de réguler certains types de traitement, notamment les réseaux sociaux, le Cloud computing, le Big data, la vidéosurveillance, les données biométriques, de santé, des banques et des objets connectés.
J-CI: Où peut-on s’en procurer ?
Dr M. Lo: Librairie de France Groupe, Abidjan, Plateau Immeuble Alpha 2000 Avenue Chardy, 01 BP 228 Abidjan 01, Tel : 20 30 63 63
Merci très cher Docteur, d’avoir répondu à nos questions et merci pour votre sollicitude.
L’équipe de JurisTIC-CI
Wahou brovo merci beaucoup à toute l’équipe